Texte de la contribution thématique des militants socialistes Français à l'Etranger

Français à l’étranger, au cœur du projet socialiste


Premiers signataires : Pierre-Yves Le Borgn’ (Belgique), Sandrine Bertin (Belgique/Irlande), Richard Yung (Sénateur, France), Sylvie Grosjean (Ottawa), Christophe Monier (New York), Monique Cerisier-ben Guiga (Sénatrice, France).


Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy remportait l’élection présidentielle avec 53,07% des suffrages. Pour les socialistes et pour la gauche, la défaite était sévère. Nous n’avions pas incarné une perspective d’avenir aux yeux d’une majorité de Français. Faute pour cela d’avoir su développer une ligne politique cohérente. Prisonnier de choix internes associant tout débat à une logique de pouvoir, le Parti Socialiste s’est refermé sur lui-même. Il s’est coupé de l’échange qu’il entretenait avec la société civile, les intellectuels et les pourvoyeurs d’idées nouvelles. C’est de cette manière que les nouvelles inégalités qui traversent la France sont restées étrangères à notre analyse, figée sur l’opposition capital-travail, le déterminisme social et l’hétérogénéité du salariat. Le conformisme, mais aussi les synthèses politiques invertébrées et le manque de débat participatif interne sont les principales causes de nos défaites. La défense des avantages acquis et la seule réparation des dégâts du libéralisme ne peuvent en soi constituer un projet. A présenter l’Europe, les territoires et le dialogue social avec crainte, à magnifier sans recul critique le rôle de l’Etat, à penser sans ambition et à ne plus parler avec conviction de rien, on ne donne tout simplement plus envie.

Il faut changer. Le moment est venu pour le Parti Socialiste d’assumer sa vocation réformiste en porosité avec la société française et l’évolution du monde. Le projet socialiste doit être de donner à chacun le moyen de réussir sa vie en luttant pour l’égalité, la dignité et la justice. Il nous faut parler au plus près des faits, en affrontant tous les défis : fragmentation sociale, vieillissement démographique, insécurité, réchauffement climatique, épuisement des énergies fossiles, migrations, pandémies, terrorisme, etc. Le socialisme n’est pas une idée figée. C’est le rôle de la puissance publique d’articuler les politiques permettant de répondre à ces défis. En mobilisant la redistribution à travers les prélèvements fiscaux, la protection sociale et les services publics, mais aussi en combattant à la racine toute une série d’inégalités. C’est vrai en particulier dans les domaines environnementaux, de l’enseignement ou encore du logement.

Dans les moments difficiles que traverse le Parti Socialiste, la Fédération des Français à l’Etranger possède une place et aussi des responsabilités singulières. Sans doute étions-nous uniques l’an passé à afficher dans la défaite des progrès électoraux majeurs. Là où François Mitterrand recueillait 31% des voix le 10 mai 1981, la candidate socialiste obtenait plus de 46% et cinq fois plus de suffrages quelque 25 ans plus tard. Dans toute leur diversité, où qu’ils vivent, les Français à l’étranger sont au cœur du débat citoyen. La liste électorale pour l’élection présidentielle de 2007 comptait 821 600 inscrits, plaçant ainsi les Français de l’étranger au 8ème rang des départements français. Pour l’élection présidentielle de 2012, cette liste dépassera le million d’inscrits. C’est une réalité que le Parti Socialiste doit prendre pleinement en compte. Le développement de la FFE et de propositions à l’égard de nos compatriotes hors de France sont ainsi une nécessité. Au-delà, les socialistes français à l’étranger doivent également agir pour la rénovation du Parti tout entier, irriguant les débats internes de notes et analyses fondées sur leur expérience militante dans le pays de résidence. L’objectif de la présente contribution est de tracer ce chemin à l’image d’une feuille de route pour les années à venir.


L’état des lieux

Les débats récents à l’Assemblée Nationale sur la création de sièges de députés des Français de l’étranger ont montré que les clichés ont malheureusement la vie dure, tous groupes parlementaires confondus. Il n’est que temps de tordre le cou à l’image de l’expatrié nanti roulant grand train sous les cocotiers. Comprendre les communautés françaises à l’étranger, leurs aspirations et leurs difficultés est la condition de propositions ajustées et efficaces. Connaître les forces de droite à l’étranger est aussi nécessaire. Nos atouts, mais également nos faiblesses, n’en apparaissent alors que plus utilement.

Entendre la réalité des communautés françaises à l’étranger :

Ces quinze dernières années ont été marquées par une évolution considérable des communautés françaises à l’étranger. Pas loin de 2,5 millions de Français vivent à l’étranger, soit près de 4% de la population de notre pays. 1,3 million d’entre eux sont désormais inscrits au registre des Français de l’étranger. Cela représente une augmentation de quelque 35% depuis 1995, particulièrement marquée en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique du Nord. Cette nette évolution se mesure aussi au plan sociologique. Les coopérants et expatriés classiques représentent désormais moins de 5% des Français enregistrés.

Les communautés françaises d’aujourd’hui sont majoritairement composées de binationaux. Elles sont aussi bien plus jeunes et féminines que par le passé. Si les femmes ne représentaient que 37% de la population française à l’étranger il y a vingt ans, leur part y est désormais de 51%. Les Français de l’étranger sont de plus en plus des immigrés, qui vivent les aléas de la vie de leur pays de résidence. Leurs revenus sont de plus en plus d’origine locale. Les inégalités demeurent, voire s’aggravent d’un continent à l’autre. La précarité dans les communautés françaises n’a jamais été aussi grande en Afrique et en Amérique latine que ces toutes dernières années.

Les Français à l’étranger, parents pauvres de l’Etat-UMP :

Il est peu de dire que les politiques publiques n’ont pas pris la mesure de cette évolution. Depuis 2002, le désengagement de l’Etat est patent. Les moyens financiers et humains mis à la disposition de la Direction des Français de l’Etranger (DFAE) du Quai d’Orsay sont faméliques. La baisse des crédits décidée année après année par la majorité parlementaire UMP a entraîné une dégradation des services rendus aux Français. Le Consulat est la mairie des Français de l’étranger. Or, les effectifs et le nombre de Consulats diminuent, la création d’improbables « Consulats à gestion simplifiée » préfigurant la fermeture pure et simple de ces services publics si essentiels pourtant à la vie hors de France.

La Caisse des Français de l’Etranger (CFE) maintient des tarifs d’assurance inabordables pour des centaines de milliers de familles, contraintes de vivre sans la moindre couverture sociale. Les crédits consulaires alloués à l’assistance aux personnes en difficulté ont été largement coupés. Les frais de scolarité dans les 400 écoles du réseau de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) augmentent plus vite que l’enveloppe des bourses scolaires, conduisant un nombre croissant de familles à retirer leurs enfants de ces établissements, faute de pouvoir y acquitter le paiement des droits de scolarité. Les structures d’aides à la formation professionnelle et à la recherche d’emploi ont été fermées pour la plupart. Au-delà des promesses démagogiques et vaines de Nicolas Sarkozy, les Français à l’étranger sont bien les laissés pour compte de l’Etat-UMP.

Connaître les forces de la droite à l’étranger :

La droite s’est longtemps pensée intouchable à l’étranger. Si les résultats électoraux récents ont pu relativiser cette perception, elle jouit toujours d’une situation dominante. Elle dispose de relais puissants dans les chambres de commerce, les grandes entreprises – le fondateur du groupe hôtelier Accor est le Président de l’Union des Français de l’Etranger (UFE), proche de l’UMP –, le réseau des Conseillers du commerce extérieur, les sociétés de bienfaisance, les multiples associations d’accueil et les associations d’anciens combattants. La droite sait aussi bénéficier de la neutralité « bienveillante » de bien des Ambassades et Consulats. Il faut y ajouter le soutien discret mais appuyé de certains régimes locaux.

Les structures de l’UMP à l’étranger utilisent la notabilité et le clientélisme pour asseoir une présence politique. C’est ainsi que la droite dispose encore des deux tiers des sièges à l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE), aidée par un découpage électoral favorable qui lui donne 9 des 12 sièges de Sénateurs des Français établis hors de France. Avec l’appui bienveillant de la majorité UMP du Sénat, ces 9 élus ont large accès à la réserve parlementaire, qu’ils mobilisent généreusement pour arroser les circonscriptions AFE ou catégories de Français à mobiliser à l’approche d’une échéance électorale. Le Président de la République sait aussi se montrer stratège, associant les Sénateurs à ses déplacements et rencontrant systématiquement les communautés françaises dans de larges réceptions pour lesquelles les crédits publics ne font jamais défaut.

Une évolution s’est faite jour ces toutes dernières années dans certains milieux de droite à l’étranger. Une génération nouvelle de militants a pris conscience du poids politique croissant des socialistes et tente d’y apporter des solutions. C’est ainsi notamment que de nombreuses mesures phares des projets socialistes ont été reprises par Nicolas Sarkozy, comme l’élection de députés des Français de l’étranger ou la réduction des coûts de scolarité dans les établissements de l’AEFE. Ce sont des mesures simples et spectaculaires, qui parlent à une majorité de compatriotes. Nous devons prendre en compte cette évolution.

Les progrès des socialistes français à l’étranger :

Voilà plus de 25 ans désormais que le Parti Socialiste est organisé à l’étranger grâce à la FFE. La FFE compte près de 2,000 militants répartis dans la plupart des pays du monde. De plus en plus, nos sections font parler d’elles, organisant des réunions et débats. Leur présence dans la vie publique des communautés françaises est désormais bien visible. Cet investissement militant construit sur des années et appuyé sur des propositions cohérentes a joué un rôle important dans la progression des suffrages recueillis par la gauche. Celle-ci était majoritaire le 6 mai 2007 dans l’Union européenne et pour la première fois en Afrique du Nord et en Afrique sub-saharienne. Le travail en bonne entente avec l’association Français du Monde – ADFE et l’appui des élus de gauche à l’AFE ont également contribué à cette progression, ne serait-ce que par l’union des forces de gauche et le maillage du terrain qu’ils ont permis. Les socialistes possèdent la capacité de gagner la majorité des suffrages des Français à l’étranger dans les dix prochaines années. Il existe un potentiel de participation aux alentours de 60-65%, soit quelque 500 000 suffrages exprimés et plus de 250 000 voix pour la gauche si le législateur adoptait le vote à distance pour rapprocher l’urne de l’électeur.

Pour autant, malgré ces progrès, il nous faut aussi avoir la lucidité du recul sur les faiblesses de notre organisation afin d’y apporter réponse. Nous ne pouvons compter sur la permanence des réseaux associatifs à l’étranger, qui irriguent l’échange dans les communautés françaises entre les rendez-vous électoraux. Notre engagement est plus ponctuel car lié à l’actualité électorale immédiate. Cette moindre présence associative nous pénalise. Les résultats des élections à l’AFE, qui reposent sur une dynamique plutôt associative, le montrent clairement : la gauche, rassemblée sous la bannière de Français du Monde – ADFE, y obtient des résultats moins encourageants qu’à l’élection présidentielle. Ce déficit associatif peut également être mesuré à l’aune du pourcentage décroissant de militants socialistes à l’étranger à adhérer à Français du Monde – ADFE. Au plan interne à la FFE, malgré le doublement des dépenses de formation depuis 2003, nous peinons toujours, du fait des distances et de nos moyens limités, à assurer le passage du témoin à la tête de nos sections, exposant celles-ci au risque de disparition lorsque le/la secrétaire est un peu moins actif ou décide de se retirer. Il s’agit là de la faiblesse essentielle de notre réseau.


Nos engagements

Cet état des lieux appelle plusieurs engagements. Il convient avant tout de poursuivre sans relâche le développement de la FFE. Ce sont aussi nos propositions pour les Français à l’étranger qu’il faut préciser et affiner. Plus largement enfin, l’expérience militante acquise à l’étranger nourrit de nombreuses réflexions que la FFE pourrait offrir pour la rénovation du Parti Socialiste.

1- Poursuivre le développement de la FFE :

La vie militante à l’étranger reste difficile. Plusieurs initiatives doivent être prises.

Décentraliser l’effort fédéral de formation pour toucher davantage de militants : les sessions de formation à Paris devraient être enregistrées sur un support DVD adressé à chacune des sections ainsi qu’aux adhérents isolés qui seraient intéressés. Il serait demandé aux stagiaires de prendre l’engagement d’assurer trois séances de formation sur l’année à destination des militants de leurs sections respectives. De même, des séances régionales de formation (3 ou 4 sections rassemblées) seraient animées par le responsable fédéral en charge de la formation.

Encourager l’adhésion des jeunes Français de l’étranger : de plus en plus de jeunes partent à l’étranger pour leurs études, un stage ou un premier emploi. Un correspondant en charge de la jeunesse serait élu au sein de chaque Commission Administrative de section et chargé de faire connaître celle-ci sur les campus universitaires. Il/elle préparerait une petite note annuelle sur les stages possibles dans le pays de résidence, que la FFE centraliserait et partagerait avec les autres Fédérations à destination des jeunes socialistes désireux de tenter leur chance à l’étranger tout en conservant le lien militant.

Aider les secrétaires et commissions administratives de section dans leur tâche d’animation : un secteur du Bureau Fédéral préparerait tous les mois un dossier sur un thème d’actualité, qui pourrait servir de base à une réunion de section. L’objectif serait de recueillir le sentiment majoritaire des sections sur les sujets abordés pour remontée vers le Secrétariat National.

Maximiser l’échange électronique au sein de la FFE : le militantisme ne vivra pas sans le web, surtout dans une Fédération dont l’échelle est le monde. Une encyclopédie collaborative propre à la FFE construite sur le modèle de Wikipedia serait développée afin de mettre en ligne les propositions des militants et de promouvoir ainsi les échanges participatifs par thèmes, compétences et sensibilités. Par ailleurs, une assistance serait offerte pour encourager les sections à se doter d’un site Internet visant à assurer leur visibilité sur le web.

Encourager l’engagement associatif au sein des communautés françaises: c’est une obligation souvent oubliée des statuts nationaux. Afin de renforcer notre implantation dans les communautés françaises et pour agir en cohérence avec nos idéaux, il serait demandé aux militants de la FFE d’adhérer à Français du Monde – ADFE bien sûr, mais aussi – si possible – de s’impliquer dans les associations de parents d’élèves, de gestion des programmes Français Langue Maternelle (FLAM) ou d’entraide. Tous les ans, les sections seraient invitées à organiser un débat public avec les représentants du monde associatif français dans le pays de résidence.

Investir la dimension militante du Parti Socialiste Européen : les militants de la FFE seraient inscrits automatiquement comme militants du PSE lors de l’adhésion ou du renouvellement de la cotisation. La mise en place de coordinations locales du PSE avec les partis frères représentés dans le pays de résidence (dans l’Union comme hors de l’Union) ainsi que l’adhésion en Europe au parti du pays de résidence seraient activement promues.

2- Préciser nos propositions pour les Français de l’étranger :

Le projet « Solidaires pour Demain » élaboré par la FFE en 2001 mérite un sérieux toilettage. Il pourrait s’articuler autour des principales propositions suivantes, bien entendu non-exhaustives.

Renforcer le service public consulaire dans une dynamique de proximité : augmenter les moyens financiers et humains à la disposition du réseau consulaire devrait être notre première priorité. Il s’agit de répondre à l’évolution des communautés françaises dans une logique de service public, incluant l’ouverture de nouveaux consulats, le développement de la télé-administration et la mutualisation des moyens dans le cadre de la coopération consulaire européenne.

Garantir l’accès de tous les Français de l’étranger à une assurance médicale minimale : la prise en charge partielle de la cotisation à la CFE pour les personnes aux revenus les plus faibles devrait être portée de 33% à 50%. Des Centres Médicaux-Sociaux (CMS) seraient ouverts dans les villes où la communauté française croît très rapidement. Les allocataires des aides sociales des Comités Consulaires pour la Protection et l’Action Sociale (CCPAS) bénéficieraient d’un accès subventionné aux CMS. L’Etat s’engagerait pour faciliter l’accès collectif à des assurances mutualistes dans les pays où le réseau de soins le permet. L’aide consulaire aux personnes âgées à revenus faibles devrait être aménagée afin de permettre la prise en charge de la cotisation à une couverture médicale nationale. La continuité de la protection sociale française serait garantie durant un an aux porteurs d’un projet économique, social ou culturel. L’accès à la Couverture Maladie Universelle (CMU) serait facilité par une immatriculation consulaire préalable.

Répondre à la situation des femmes en détresse et des parents isolés : il est nécessaire de mettre en place une allocation spécifique répondant à la difficulté de parents divorcés, très souvent des femmes, contraints par un jugement de divorce de rester dans le pays de résidence. Cette allocation leur permettrait d’assurer un niveau de vie minimum à leurs enfants. De même, une aide ponctuelle devrait pouvoir être accordée à un parent isolé d’enfant français durant le temps nécessaire pour faire aboutir une demande de pension alimentaire.

Redéfinir nos propositions en matière d’enseignement et de culture : la gratuité par niveau et par an inventée par Nicolas Sarkozy est une rare injustice. Nous lui opposons la réduction de moitié des droits de scolarité pour tous dans les établissements de l’AEFE. En complément du réseau de l’AEFE, le développement des filières publiques bilingues d’enseignement, ainsi que le renforcement du programme FLAM sont notre choix. Le bénéfice du contrat d’autonomie devrait pouvoir être ouvert aux étudiants français issus de l’étranger.

Assurer la protection des personnes et des biens : la coopération consulaire européenne devrait être renforcée pour assurer la sécurité des Européens hors de l’Union. Une loi cadre sur l’indemnisation des biens en cas de troubles politiques, de guerre et de catastrophe naturelle devrait être adoptée. Les Consulats devraient mettre en place une assistance aux femmes françaises face à la violence conjugale, aux mariages forcés et à la répudiation.

Réformer en profondeur la représentation politique des Français de l’étranger : 12 sièges de députés des Français de l’étranger seraient créés en sus des 577 sièges actuels et pourvus à la représentation proportionnelle. Le collège électoral sénatorial serait élargi sur le modèle de Paris et porté à un minimum de 800 grands électeurs. L’AFE serait transformée en un Conseil Général d’Outre-Frontière, doté de compétences et de moyens sur l’action sociale, les bâtiments scolaires et l’action culturelle de proximité. Le vote à distance (y compris électronique) serait autorisé pour toutes élections organisées à l’étranger. Le vote aux élections européennes dans les centres de vote à l’étranger serait rétabli.

3- Contribuer à la rénovation du Parti Socialiste :

Notre regard militant de l’étranger est une mine d’enseignements que nous proposons de mettre à disposition du Parti. En voilà quatre exemples :

· Doter le Parti Socialiste d’une stratégie et de moyens sur le web : la campagne de Barack Obama a montré le formidable potentiel du web dans la mobilisation du corps électoral. Le PSE vient de faire le bilan exceptionnel de sa présence sur Internet, un an après la mise en réseau d’adhérents des partis frères : il est devenu la première formation politique visible sur le web. Internet est l’outil indispensable pour informer et agir rapidement en masse, condition pour gagner la bataille idéologique. Il est essentiel pour démontrer le dynamisme, la réactivité, la modernité du Parti, pour susciter l’intérêt du public et des médias, pour le crédibiliser aux yeux des sympathisants et développer ainsi ses bases militante et électorale. Le Parti Socialiste ne peut se permettre de prendre davantage de retard sur ce terrain, déjà largement occupé par ses adversaires. Il en est de même du vote par Internet au plan interne, rejeté faute de consensus dans le cadre du groupe de travail « Vivre Ensemble ». Sa faisabilité est pourtant connue, puisque la FFE l’applique par dérogation depuis 10 ans.

· Positionner les sections de la FFE comme partenaires du Secrétariat International et des collectivités locales de gauche : les contributions de la FFE au forum de l’automne 2007 sur « Les socialistes et le marché » représentaient près de 60% des textes finalement soumis, donnant au rapport final une tonalité européenne et de solidarité internationale bienvenue. Cet effort souligne tout le potentiel d’influence de la FFE. Celui-ci pourrait être développé à l’issue du prochain Congrès. Les sections pourraient ainsi préparer une analyse annuelle sur la situation politique, économique et sociale du pays de résidence ainsi que des notes ponctuelles sur un aspect particulier de l’actualité de celui-ci. De même, elles pourraient également offrir des conseils sur les projets de coopération décentralisée aux exécutifs locaux dirigés par le Parti Socialiste.

· Apprendre des succès de nos partis frères : le bilan de la première mandature de Jose Luis Zapatero fait honneur au combat des socialistes pour l’égalité. Le Parti Socialiste doit s’engager pour l’ouverture du mariage et du droit d’adoption aux couples homosexuels, pour faciliter la vie de famille des couples double-nationaux par une politique de visa adéquate, pour la lutte contre les violences domestiques, pour le droit de maîtriser et d’accompagner la fin de vie, pour le droit de vote de tous les étrangers aux élections locales. Sur tous ces sujets, le Parti Socialiste a été en retrait et il est temps pour lui de puiser inspiration dans le courage politique de nos camarades au pouvoir en Europe.

· Promouvoir l’apprentissage des langues de l’immigration : le gouvernement Jospin a mis en place le programme FLAM pour aider les Français de l’étranger à faire enseigner la langue et la culture françaises à leurs enfants non-scolarisés dans des écoles francophones ou bilingues. Son succès va au-delà de toutes les espérances dans les communautés françaises. Il serait légitime que soit aidé en France l’enseignement des langues et cultures de l’émigration dès le primaire. Les enfants d’immigrés, comme nos enfants, représenteront un jour un atout précieux pour le développement de la France et de leurs pays d’origine.


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Socialistes français à l’étranger, militants de la solidarité internationale et de la cause européenne, nous avons une formidable somme d’expériences et d’idées à partager pour faire du Parti Socialiste le grand parti réformiste dont la gauche a besoin. En cela, soyons totalement nous-mêmes : rivalisons de projets et d’activités, sans timidité ni déférence inutile au passé ou à tous nos tabous politiques récents.

Posons ainsi la question de la création d’un impôt français mondial, qui serait acquitté en France par tous les Français établis hors de France sur la base de tous leurs revenus et établi selon les règles de la fiscalité française. Le niveau de vie du pays de résidence serait bien sûr pris en compte. Inspirée par les exemples américain et suisse, cette mesure mettrait un terme à l’argument récurent selon lequel nous ne payons pas l’impôt et donnerait surtout des moyens aux mesures de justice que nous voudrions promouvoir. Elle permettrait aussi de lutter contre l’expatriation fiscale.

Pour faire vivre la citoyenneté européenne, engageons-nous en faveur de la double, voire multiple nationalité au bénéfice de celles et ceux dont les familles, la vie personnelle et la carrière professionnelle reposent sur plusieurs Etats. Faisons nôtre le projet d’une carte d’identité européenne, instrument symbolique et socle de droits au bénéfice des Européens. Imaginons une représentation politique commune des Européens établis hors d’Europe.

C’est en multipliant les initiatives, même les plus audacieuses, surtout les plus audacieuses, que nous ferons vivre le Parti Socialiste, un Parti à l’écoute, un Parti ambitieux, un Parti pour gagner en 2012.

Appel pour un débat participatif

Chères et chers camarades,


Le 6 mai 2007, la candidate socialiste recueillait plus de 46% des voix dans les centres de vote à l’étranger, tout près de son score national. Elle l’emportait en Europe et en Afrique. En Amérique du Nord et du Sud, sans arriver en tête, elle portait le score de la gauche à des niveaux inégalés depuis que les centres de vote existent. Partout où le vote était organisé dans le monde, la poussée des socialistes et de la gauche était manifeste au regard des scrutins présidentiels passés.

Sans doute l’évolution des communautés françaises à l’étranger a-t-elle contribué à ce progrès. François Mitterrand n’y recueillait pas même le tiers des voix lors de sa première élection le 10 mai 1981. Il faut y voir aussi le résultat du travail militant accompli depuis sa création par la FFE, en relation avec les associations et organisations de gauche. Les socialistes français à l’étranger se sont unis, organisés et faits connaître. Une des principales clés du succès se trouve là.

Au cœur de cet engagement figure une ligne politique, européenne et réformiste, en un mot social-démocrate. Elle est celle de la FFE depuis des années. Militer à l’étranger ouvre à la réalité et aux expériences des autres pays. Le débat politique ne se conçoit qu’en porosité avec le monde extérieur, sa complexité et ses enjeux. Réformistes, nous ne sommes pas moins ambitieux. Nous voulons construire le développement durable et la transformation sociale dans les actes, pas à pas, concrètement.

Demain plus encore, les Français de l’étranger compteront dans les enjeux nationaux. Nous devons nous fixer l’objectif de battre la droite à l’étranger. Le Congrès de Reims doit être l’occasion pour les socialistes français à l’étranger de se donner une feuille de route. En 2012, nous avons rendez-vous à l’élection présidentielle, sans doute aussi aux élections législatives. Nous pouvons frapper un grand coup. Il faudra être prêt.

Comment aborder cette nouvelle étape ? Quelles politiques adopter pour quels objectifs ? Quelle stratégie adopter ? Quelle organisation privilégier ? Les questions ne manquent pas. Je souhaiterais que nous en débattions de manière participative et que des réponses apportées naisse une contribution thématique que celles et ceux qui se reconnaîtront dans la ligne politique et l’ambition définies porteront au Congrès du Parti Socialiste. C’est l’objectif de ce blog, que j’ai choisi de mettre en place à cette fin avec d’autres camarades, désireux de clarifier notre ligne politique et de réfléchir ensemble à l’action future de notre Fédération en rejetant tout affrontement de personnes.

Vous trouverez plus bas une liste de 14 questions. Merci par avance pour vos réflexions, commentaires et échanges sur le blog jusqu’au 25 juin. Ils nourriront le travail d’écriture de la contribution.

Amitiés,

Pierre-Yves Le Borgn’

Avec Richard Yung, Christophe Monier, Sandrine Bertin, Matthieu Rigal, Noël Hatch, Fabrice Romans.

Pistes de réflexion

Socialistes français à l’étranger

1. Comment gagner le débat idéologique dans les communautés françaises à l’étranger ?

2. Quelles réponses et propositions opposer au désengagement de l’Etat à l’étranger?

3. Comment renforcer nos réseaux militants socialistes et de gauche dans le monde ?


Acteurs du combat politique

4. Comment mobiliser les nouvelles technologies de l’information dans notre combat politique ?

5. Comment développer la dimension militante du PSE et porter l’enjeu citoyen européen ?

6. Quelles propositions présenter pour un PS participatif, à l’écoute des militants et des sections ?

7. Comment analyser la crise du PS et de la social-démocratie européenne ?

8. Comment gouverner et avec qui ?


Définir notre demain

9. Quel contenu donner à un projet réformiste et social-démocrate, en rupture avec le double discours traditionnel du PS au pouvoir et dans l’opposition ?

10. Comment développer la recherche et l’innovation au service du progrès et du bien commun?

11. Flexisécurité, socialisme de production : quelles nouvelles politiques sociales inventer en soutien à la redistribution ?

12. Comment lier la protection de l’environnement avec le besoin de croissance et la gestion durable des ressources?

13. Quelles politiques de l’immigration promouvoir à gauche ?

14. Comment ouvrir notre pays au monde et faciliter l’accès à l’éducation et à la diversité culturelle ?

Le nouveau défi de la gauche européenne

Au pouvoir dans la majorité des Etats membres de l’Union européenne à la fin des années 1990, les partis socialistes et sociaux-démocrates du PSE se trouvent aujourd’hui pour la plupart dans l’opposition. Avec l’exception notable du PSOE de Jose-Luis Rodriguez Zapatero en Espagne et du PS de Jose Socrates au Portugal, les dernières élections nationales se sont soldées pour chacun de ces partis par des défaites retentissantes. La récente déconvenue du Labour Party en Grande-Bretagne aux élections locales du début du mois de mai laisse également augurer des élections générales périlleuses pour Gordon Brown dans un an ou deux.

Il importe que la gauche européenne prenne toute la mesure de ces échecs. Il ne s’agit pas en effet de malchance électorale ponctuelle, de campagnes ratées ou de leaders peu charismatiques. C’est fondamentalement la fin d’un cycle politique, appelé « troisième voie » ou « neue Mitte » selon les partis et les pays. Avec quelques variantes nationales, ce cycle a vu les socialistes et sociaux-démocrates européens développer ces quinze dernières années des politiques plus libérales au plan économique et social tout en promouvant le rôle actif de la puissance publique et en lançant une série d’audacieuses réformes sociétales et culturelles. L’investissement massif dans l’éducation et la formation visait à assurer le relais de politiques de redistribution plus contraintes.

De cette période, il est ressorti une offre politique différente de celle, traditionnelle, des socialistes et sociaux-démocrates. Elle a permis sans conteste de convaincre de nouvelles catégories d’électeurs, notamment au sein des classes moyennes, que ces partis renouvelés seraient ceux qui garantiraient le progrès individuel et collectif au sein d’une société de liberté et de responsabilité. Dans de nombreux cas, ces politiques ont été un succès. C’est vrai pour la compétitivité de l’économie, mais aussi par exemple pour l’égalité des sexes ou bien encore la santé. Plusieurs exemples peuvent être cités en Scandinavie, en Allemagne sous Gerhard Schröder, en Grande-Bretagne sous Tony Blair et bien sûr en France avec Lionel Jospin.
Reste cependant que ces politiques n’ont pas entraîné le succès électoral qu’il était permis d’escompter et il faut en analyser les raisons. La mondialisation de l’économie, revendiquée par les partis socialistes et sociaux-démocrates au pouvoir, n’a pas bénéficié aux salariés européens. La part des salaires dans le revenu de chaque Etat diminue. La croissance atone a largement asphyxié l’action de l’Etat providence, en panne de ressources. Les inégalités se sont accrues, sans que l’investissement dans l’éducation et la formation parvienne à offrir les chances d’un rebond aux salariés. Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur est resté identique ou presque ces dix dernières années en Europe et les emplois créés l’ont souvent été au demeurant dans les secteurs de faible qualification.

Une part importante de l’électorat traditionnel des socialistes et sociaux-démocrates s’est ainsi senti moins représenté, moins écouté et défendu. Le pari du progrès économique et social en retour à l’ouverture à un espace européen intégré est apparu de plus en plus comme un échec, en témoignent les difficultés du Traité constitutionnel européen auprès des opinions publiques en 2004-2005. En outre, les catégories populaires ont fait reproche aux socialistes et sociaux-démocrates de leur incapacité à aborder de front, sans tabou aucun, les nouveaux défis de la période. La sécurité des personnes et des biens est un exemple. L’immigration en est un autre. Sur ces sujets, la gauche européenne a systématiquement fui le débat, prisonnière de vieux schémas et d’un certain angélisme, se plaçant ainsi en rupture avec les attentes de plus en plus pressantes exprimées par son électorat.

La gauche européenne est ainsi apparue, de loin en loin, comme renonçant à sa volonté initiale de transformation sociale, acceptant le cadre établi, avouant même parfois son impuissance (« L’Etat ne peut pas tout »). Elle a été perçue comme technocratique, lointaine, engoncée dans un économisme n’offrant au mieux que la perspective bien incertaine d’adaptation à la mondialisation. D’autres partis sur l’échiquier politique, aux extrêmes certes, mais aussi parfois une droite habilement renouvelée, ont su comprendre ce besoin de protection et y apporter des réponses là où les socialistes et sociaux-démocrates n’apparaissaient plus. Comme le relevaient très justement les sociaux-démocrates suédois après leur défaite électorale en 2006, c’est pour avoir parlé beaucoup de la Suède et très peu des Suédois que la sanction des urnes est tombée après près de 15 ans de pouvoir.

Le grand défi qui se pose aujourd’hui aux partis socialistes et sociaux-démocrates européens est d’inventer une offre politique qui prenne en compte les inquiétudes, les attentes et les espoirs de leur électorat. Sans rejeter l’apport d’origine de la « troisième voie » ou du « Neue Mitte », sans revenir aux politiques des années 1970, totalement hors-jeu au regard de l’évolution du monde et de l’économie. En se libérant des tabous et schémas de la pensée traditionnelle. A ce titre, il faut notamment intégrer le mouvement irrésistible d’individualisation qui traverse le monde salarial et plus largement la société. Trop longtemps, les socialistes et sociaux-démocrates ont imaginé les réponses dans une seule dynamique collective. Or c’est en privilégiant l’individualisation des solutions en réponse à l’hétérogénéité croissante du salariat que l’on répondra le plus efficacement au fléau du chômage.

Sans doute faut-il sécuriser chaque parcours professionnel plutôt que de tenter de construire des digues nécessairement friables autour de l’emploi, surtout dans les secteurs exposés à la concurrence des pays à bas salaires. Comme les mouvements professionnels sont inévitables en cours de carrière, il est nécessaire de les amortir et les faciliter. Un effort massif de formation tout au long de la vie doit permettre le reclassement actif des salariés par le maintien du salaire et des droits à pension sur la durée de formation et transférabilité des droits d’une étape professionnelle à une autre. L’exemple danois nous le prouve. Il faut passer d’un système de versement passif d’allocations à une politique préventive qui évite le risque de la perte d’emploi ou limite à tout le moins le temps de recherche d’un nouvel emploi.

L’individualisation des solutions peut aussi conduire à envisager d’encourager par des mesures publiques l’autonomie financière des étudiants. Celles-ci prendraient en compte de manière modulée le revenu des parents, puis à partir d’un certain âge ou niveau d’étude, les seuls revenus de l’étudiant. La Norvège pratique cette politique avec succès par un système de bourses et de prêts. Au cœur de l’autonomie étudiante, il y a la reconnaissance qu’une série d’inégalités de départ doivent être combattues à la racine parce que la seule logique de réparation ne peut avoir beaucoup d’effet sur elles. Il s’agit donc de viser au-delà de la redistribution, en attaquant certaines inégalités à la racine, en mettant prioritairement les moyens sur les zones et territoires les plus exposées en termes de logement, d’infrastructures et d’éducation.

Les partis socialistes et sociaux-démocrates européens doivent retrouver – ce faisant – le lien perdu avec leur base traditionnelle. En réinvestissant le terrain du concret, en n’agissant plus uniquement en termes généraux ou macroéconomiques, mais en mettant la sécurité, la confiance, la main tendue, le contrat au cœur de l’échange citoyen. Sans opposer la modernisation nécessaire à la toute aussi essentielle protection. Il n’y a de succès possible à gauche en Europe qu’en consolidant d’abord la base électorale de nos partis. Pour ensuite conquérir les catégories qui font une majorité.

Pierre-Yves Le Borgn’

Pour un impôt français mondial

Comment gagner le débat idéologique dans les communautés françaises à l’étranger ?

Je pense qu’une des questions dont nous devions nous saisir est celle de la fiscalité des Français à l’étranger . Nous avons du temps devant nous pour étudier la possibilité d’un « impôt mondial » qui serait acquitté en France par tous les Français établis hors de France sur la base de tous leurs revenus – au sens large – d’origine française ou non et établi selon les règles de la fiscalité française. Dans le cas où ces citoyens ont acquitté ou doivent acquitter un prélèvement dans leur pays de résidence ( par exemple lorsqu’il y a prélèvement à la source de l’IRPP) , une comparaison entre les deux montants permet de savoir s’ils ont payé plus ou moins qu’en France et selon le cas, la différence doit être réglée par eux ou par le fisc français.
Cette approche, qui soulèvera beaucoup de cris d’orfraie, a deux importants mérites politiques :

- elle intègre les Français établis hors de France dans l’impôt français et supprime l’argument qui nous est sans cesse opposé : « vous ne payez pas l’impôt »

- elle assure l’égalité de tous les Français devant l’impôt ; il n’y aura plus d’intérêt à s’expatrier pour raisons fiscales ( à noter que le nombre d’expatriations fiscales à augmenté de 40% depuis un an)

Politiquement elle suscitera l’opposition des titulaires des revenus les plus élevés qui ne sont nos meilleurs électeurs ; elle devrait être bien perçue par les revenus moyens et faibles.

Il serait utile de commencer par une étude des systèmes fiscaux des Etats-Unis et de la Suisse qui sont basés sur ce concept.

Richard Yung
25 mai 08

Des FLAM renversés

13. Quelles politiques de l’immigration promouvoir à gauche ?


Nous, les Français de l’étranger, souvent émigrés, et immigrants dans notre pays de résidence, pourrions donner quelques idées pour faciliter l’intégration des immigrés en France et en Europe. Notre expérience nous place en situation de devoir nous intéresser plus particulièrement à ce sujet pour nous assurer que les propositions de notre Parti soient suffisamment novatrices et ambitieuses, et ne s’arrêtent pas au vécu actuel hexagonal.

Pour être à l’aise dans notre pays d’émigration, et vivre au mieux la double culture et la double appartenance qui en résultent, nous avons du intégrer une partie au moins de la culture de notre pays d’accueil. Il n’est pas nécessaire ni souhaitable de renier notre culture française d’origine pour réussir nos vies à l’étranger. C’est en restant ce que nous sommes et en y intégrant de nouvelles valeurs, en s’ouvrant à une nouvelle culture que nous devenons capables d’être des ponts entre deux pays, deux environnements, deux référentiels.

Pour nous aider à maintenir cette double culture au delà de la première géneration, le gouvernement français a mis en place en 1999 un programme de subvention pour aider les Français de l’Etranger à faire enseigner la langue et la culture françaises à leurs enfants qui ne sont pas scolarisés dans des écoles francophones ou bilingues. Ce programme FLAM (Français Langue Maternelle) facilite la transmission de ce que nous sommes à nos enfants, et leur permet aussi de garder un lien avec des grands-parents, des cousins, avec la France, sans rendre plus difficile, bien au contraire, l’intégration dans le pays de résidence. La France considère normal, et à juste titre, que les Français de l’étranger souhaitent transmettre leur culture et leur langue à leurs enfants et trouve naturel de les y aider financièrement.

Pourquoi ce qui est vrai pour les Français de l’Etranger ne le serait-il pas pour les étrangers en France? Libérons-nous de ces fantasmes qui voudraient qu’enseigner leur langue d’héritage aux enfants d’immigrés puisse être une menace pour la langue, la culture et l’identité françaises. Apprendre une langue, connaître une culture ne se fait pas au détriment d’une autre. La plupart des Français de l’Etranger sont bilingues, souvent trilingues en fonction des pays dans lesquels ils résident. Ils n’en sont pas moins des relais efficaces de la culture et de langue françaises, d’autant plus qu’en montrant un visage ouvert et tolérant de la France, ils donnent envie de mieux la connaître.

Les enfants d’immigrés, comme nos enfants, peuvent être aussi un pont futur vers le pays d’origine de leurs parents et représenteront un jour un atout pour le développement économique et culturel de la France, si nous les aidons à devenir pleinement Français sans perdre tout contact avec leurs racines et leurs origines. Offrons à tous, en plus des langues habituelles, l’enseignement optionnel des langues principales d’immigration dans les écoles de la République dès le primaire; valorisons ce bagage culturel chez les enfants, facilitant aussi leur succès dans le système scolaire en soulignant toute la richesse qu’ils portent en eux. Favorisons aussi l’enseignement de ces langues aux enfants de familles françaises qui le souhaitent, afin de valoriser aux yeux de tous la connaissance de ces langues et l’apport des cultures étrangères.

Ceux qui se replient frileusement sur le Français comme le meilleur moyen de le défendre font une erreur; sans oublier qu’ils projettent souvent leurs propres incertitudes d’un Français qui ne parle aucune langue étrangère!
Christophe Monier

Mieux vivre

Quel contenu donner à un projet réformiste et social-démocrate, en rupture avec le double discours traditionnel du PS au pouvoir et dans l’opposition ?

L'article premier de notre nouvelle déclaration de principes souligne que l'idée socialiste relève, à la fois, d'une révolte contre les injustices et du combat pour une vie meilleure.
Le Parti Socialiste doit avoir pour objectif de permettre à chacun de mieux vivre et d'éliminer toutes les barrières non nécessaires qui empêchent nombre de nos compatriotes de s'épanouir, de s'émanciper et de jouir d'une meilleure qualité de vie.

Une priorité impérieuse devra être donnée à ces mesures à impact immédiat, qui donnent à certains de nouveaux droits et leur permettent ainsi de bénéficier sans délai d'une amélioration de leurs conditions de vie, sans rien enlever aux autres. Il n'y a pas de progrès mineurs dès lors qu'une mesure change la vie en mieux et nous ne devons pas avoir peur des mesures ciblées, destinées à améliorer la vie de tous en améliorant la vie de chacun, l'un après l'autre.
Les Socialistes doivent prendre l'engagement d'agir dès leur arrivée au pouvoir pour l'ouverture du mariage aux couples homosexuels, pour le vote des étrangers aux élections locales, pour faciliter la vie de famille des couples double nationaux par l'instauration d'une politique de visa adéquate.

Il est nécessaire de lancer et de finaliser dans les premiers 12 mois une réflexion publique sur des sujets de société qui nécessitent un large débat national, avant de proposer des textes qui permettent le vote d'une loi sur l'égalité des droits et contre toutes les discriminations, qui ouvre l'adoption aux couples homosexuels, s'attaque aux discriminations sur la base de l'origine, du handicap, du genre, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre; un texte qui reconnaisse également les familles de choix dans le rapport au système de santé et aux services sociaux des personnes sans ou éloignées de leur famille. C'est un sujet important pour les personnes agées en particulier ainsi que pour les personnes rejetées par leur famille. Il faut également progresser sur le droit de maîtriser et d'accompagner sa fin de vie, sur une dépénalisation des drogues douces, et sur l'organisation du vivre ensemble dans une société diverse. La recherche d'un nouveau modèle de laicité, forte, tolérante et garante de l'impartialité de l'Etat doit être un de nos objectifs.

Enfin, il est nécessaire de reprendre notre réflexion sur les mesures requises pour améliorer la diversité dans la représentation politique, et pour supprimer le cumul de mandats et restreindre le renouvellement de mandats exécutifs sur des périodes trop longues. Le recul que nous constatons en ce moment sur ce sujet n'est pas acceptable.

Christophe Monier